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Démembrement en question


Le démembrement de propriété, opération qui participe de la gestion d’un patrimoine immobilier notamment, est réformé par la Loi de finances 2019 pour s’appliquer en 2020.

Un article de la loi de Finances 2019 a élargi la notion d’abus de droit, avec à la clé une requalification possible des avantages fiscaux que procure le montage très classique de démembrement d’un bien, notamment d’un bien immobilier.

Définition de l’abus de droit

Il existe deux cas d’abus de droit :
 soit l’opération déclarée à l’administration fiscale correspond à un schéma reconnu fictif, ne correspondant aucunement à la réalité, ce qui engendre des pénalités de 80% sur l’impôt qui aurait dû être payé (et donc un redressement de l’impôt dû augmenté de ces pénalités de 80%),
 soit la loi est parfaitement appliquée mais sans raison économique, dans un but exclusivement fiscal indiquait anciennement la loi.

Or cet adverbe, exclusivement, est très important, car c’est justement celui-là que la loi de Finances 2019 a modifié, lui préférant : "principalement". Cette loi fait entrer dans le cadre de l’abus de droit les montages qui "ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé aurait supporté si les actes n’avaient pas été passés."

Justification du démembrement

L’utilisation du démembrement de propriété par des parents qui conservent l’usufruit d’un bien immobilier, c’est à dire sa jouissance ou les revenus locatifs, tout en transmettant la nue-propriété à leurs enfants, est un montage très couramment utilisé. Il se justifie d’ailleurs par des taux d’imposition pour les donations équivalents à ceux pour les successions.

En effet, pour le parent qui démembre au profit de ses enfants un immeuble qui lui appartient, l’intérêt fiscal tient au fait qu’il va être taxé sur ce qu’il donne, or cette taxation est fonction de son âge (barème en fonction de l’espérance de vie). Le taux de la donation au-delà d’1,8 million s’élève à 45%. A noter que ce taux peut paraître confiscatoire en comparaison avec la fiscalité des autres pays européens : taxation inférieure à 5% des donations en Italie, 30% au delà de 26 millions en Allemagne, 0% au Portugal en ligne directe, 3% pour les dons en Belgique...

Aussi, en démembrant un bien d’une valeur 100, par exemple pour un contribuable qui a entre 50 et 60 ans, la valeur de l’usufruit vaut 50 et celle de la nue-propriété 50 également. C’est donc sur cette valeur de 50 que sont payés les droits de donation. Et au décès de l’usufruitier, l’usufruit va revenir chez le nue-propriétaire sans fiscalité.

Finalement, la nue-propriété c’est être propriétaire des murs mais sans le revenu. Le nu-propriétaire se retrouve donc dans une situation passive, et l’opération de démembrement a pour objectif de transmettre, à un coût fiscal aussi limité que possible. On pourrait donc dire que cette opération est principalement fiscale.

Certes, en ce qui concerne la séparation de l’usufruit et de la nue-propriété, principe prévu par la loi, le contribuable garde la possibilité de se défendre en avançant qu’il ne fait qu’appliquer la loi, et que s’il se soumet à la loi on ne peut pas en même temps le poursuivre pour abus de droit.

Au final on comprend que sur ce point la loi de Finances reste principalement énigmatique...

Principalement ?

Montages concernés

La loi s’appliquera à partir du 1er janvier 2020. Les contribuables disposent donc encore d’une année pour modifier ce qu’ils ont à modifier. Il est d’ailleurs étonnant que l’administration fiscale souhaite réformer ce qu’elle autorise encore pendant un temps. De plus, cette possibilité d’agir durant l’année 2019 pose un véritable problème en incitant des foyers à agir rapidement, et donc pour des raisons fiscales principalement ? Or cette opération de démembrement n’est pas neutre, elle n’est justement pas que fiscale, car une fois que l’on a donné son bien on l’a donné, ce qui engendre des façons différentes d’en disposer souvent. Une opération patrimoniale demande une certaine tranquillité, une pérennité et une stabilité, éléments totalement absents par définition durant ce sursis de quelques mois.

Autre point en suspens : la responsabilité des conseils. En effet, le professionnel qui aura conseillé une opération de démembrement poursuivant un but principalement fiscal pourra lui-même être poursuivi, qu’il soit avocat d’affaire, notaire, expert-comptable, banque d’affaires... Aussi, ces professionnels, ne pouvant mesurer clairement à ce jour le risque encouru, vont dès à présent se mettre en retrait et surtout éviter de tels conseils.

Après 2020

Que veut dire "principalement", qui sait aujourd’hui ce que veut dire exactement cet adverbe, qui va être le juge du principalement ? Comment pondérer des arguments affectifs, car donner à ses enfants c’est affectif, avec des arguments économiques et des arguments fiscaux ?

C’est comme si aujourd’hui le mécanisme d’abus de droit n’avait pas fonctionné. Or le conseil des abus de droits fonctionne parfaitement, empêchant et poursuivant les montages fantaisistes, tous les professionnels de la gestion de patrimoine le savent et suivent indirectement ses avis, étudient pour les éviter les montages sanctionnés.

Après 2020, si le démembrement est reconnu comme fictif, l’abus de droit sera immédiatement constaté avec l’application des pénalités de 80%.
En revanche, si l’opération est reconnue comme ayant un but principalement fiscal, alors :
 l’abus de droit sera retenu,
 l’assiette fiscale de l’opération sera révisée,
 mais avec des pénalités qui ne seront pas automatiques, dans certains cas les pénalités de 40% seront donc appliquées, et dans d’autres cas les pénalités de 80% pour manœuvre frauduleuse sanctionneront l’opération.

Aménagements attendus de cette loi

Autour de l’adverbe principalement, on peut anticiper des contestations de contribuables ou de leurs avocats, et des questions prioritaires de constitutionnalité viendront sans nulle doute préciser la loi rapidement.

Dans l’attente, l’insécurité fiscale qui résulte de cette loi ne fait qu’augmenter la distorsion qui existe entre le monde technique et les contribuables. Réfléchir au plus haut niveau de l’Etat, remettre en cause le comité d’abus de droit fiscal, mobiliser tous les professionnels du conseil juridique, toute cela pour un mot : principalement ; sérieusement !

EN CONCLUSION :

La modification du droit et de la loi concernant le démembrement de propriété en 2020 incite à une telle opération en 2019 tout en augmentant les risques d’un abus de droit.




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