Démembrement et donation aux enfants

Le principe du démembrement est explicité par un exemple pour montrer son impact sur les frais de succession.

La notion de démembrement appliquée à des parts de SCI est traitée dans un article distinct. Il s’agit ici d’observer le mécanisme du démembrement dans le cas d’une donation par des parents de la nue-propriété d’un bien à leurs enfants.

Principe du démembrement

Le démembrement de propriété d’un bien immobilier, couramment utilisé dans les donations, consiste à le "démembrer" en deux parties : la nue-propriété (les murs) et l’usufruit (la jouissance du bien). En donnant la nue-propriété du bien dont il conserve l’usufruit, le donateur se réserve le droit de l’utiliser comme il l’entend, sa vie durant. Il peut y résider, le prêter, le mettre en location pour en retirer les revenus... A son décès, l’usufruit s’éteint automatiquement et le donataire, par exemple l’enfant, devient propriétaire à part entière sans droits supplémentaires à payer.

Double avantage

Opter pour un démembrement de propriété peut s’avérer une stratégie intéressante, notamment pour anticiper une succession sans se dessaisir de ses biens immédiatement.

Cette donation est aussi attractive sur le plan fiscal car les droits à payer sont calculés sur la valeur de la seule nue-propriété. Ils sont donc réduits par rapport à une donation du même bien en pleine propriété. L’usufruit est évalué d’après un barème fiscal fixé par la loi.

Valeur fiscale de l’usufruit et de la nue-propriété

Age de
l’usufruitier
Valeur de
l’usufruit
Valeur de
la nue-propriété
Moins de 21 ans révolus 90% 10%
Moins de 31 ans révolus 80% 20%
Moins de 41 ans révolus 70% 30%
Moins de 51 ans révolus 60% 40%
Moins de 61 ans révolus 50% 50%
Moins de 71 ans révolus 40% 60%
Moins de 81 ans révolus 30% 70%
Moins de 91 ans révolus 20% 80%
Plus de 91 ans révolus 10% 90%

Exemple de démembrement

Sylvie et Olivier, 63 et 66 ans, ont un fils unique Sébastien. Ils possèdent en commun une villa dans laquelle ils résident à l’année, estimée à 600.000 euros, et un chalet à la montagne, d’une valeur de 300.000 euros.

L’objectif poursuivi est le suivant : Sylvie et Olivier souhaitent anticiper la transmission de leur patrimoine afin que Sébastien ait, à leur décès, le moins de droits de succession à payer sur l’héritage. Ils envisagent de lui consentir la donation de leur chalet mais veulent en garder l’usage et continuer à en percevoir les loyers durant les quelques semaines où il est loué.

La solution proposée

Sylvie et Olivier procèdent à un démembrement de propriété en incluant une clause de réserve d’usufruit dans la donation. le coût de l’acte de donation s’élève à 7.500 euros.

La fiscalité

Sylvie et Olivier ayant entre 61 et 71 ans au jour de la donation, la valeur de la nue-propriété est évaluée à 60% de la valeur du bien en plein propriété.
Le bien valant 300.000 euros, la nue-propriété est ainsi estimée à 180.000 euros.
Chaque parent en donne la moitié à Sébastien, soit 90.000 euros. Or l’abattement accordé pour les droits d’enregistrement dans le cadre d’une donation consentie entre parent et enfant est de 100.000 euros sur chaque part donnée. L’abattement étant supérieur à la valeur de la donation, celle-ci s’effectue donc en exonération de droits.

Conséquences lors de la succession

Au décès de Sylvie et Olivier, l’usufruit s’éteindra et Sébastien deviendra pleinement propriétaire du bien, sans aucun droit à acquitter. A noter que quinze ans après la donation de ses parents, Sébastien profitera à nouveau d’un abattement de 100.000 euros pour le calcul des droits de donation ou de succession.

A titre de comparaison, si la donation avait porté sur la pleine-propriété du bien (sans réserve d’usufruit), les droits d’enregistrement auraient été calculés sur une valeur de 150.000 euros pour chaque donation, soit 150.000 euros. L’abattement de 100.000 euros n’aurait pas couvert intégralement le montant de la donation. Les droits d’enregistrement se seraient élevés à 16.388 euros (8.194 euros x 2 donations parentales).

Quelques conseils quant à ce montage

Il n’est pas conseillé de donner la nue-propriété de sa résidence principale quand elle est l’unique bien de valeur des parents et que ceux-ci pourraient avoir besoin de la vendre dans le futur. S’ils envisagent de vendre un jour, il leur faudra obtenir l’accord de leurs enfants et partager avec eux le prix de la vente à défaut de réemploi des fonds dans l’acquisition d’un autre bien.

Les parents pensent souvent qu’il faut impérativement donner de leur vivant, sans quoi les frais de succession payés par les enfants seront importants. Mais ce raisonnement ne doit pas être l’unique moteur d’une donation. Il est impératif de ne pas se démunir, en gardant en tête que nous vivons de plus en plus longtemps et qu’une donation est irrévocable.

Une possibilité est ouverte dans l’acte de donation. Il est en effet possible d’envisager l’hypothèse où les parents ne veulent plus de l’usufruit de leur bien immobilier. Aussi, il est possible d’insérer dans l’acte la possibilité de convertir cet usufruit en rente. Le jour où ils entrent en maison de retraite par exemple, les enfants s’engagent à leur verser une rente viagère, en contrepartie de la pleine propriété du bien.

Intéressante fiscalement, la donation de nue-propriété d’un appartement ou d’une maison a de quoi séduire. Mais elle doit être bien réfléchie et maniée avec précaution.

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